Laboratoire d’Etude et de Recherche sur l’Economie, les Politiques et les Systèmes Sociaux

"Eaux et Sociétés"

Cycle d’ateliers "Eaux et sociétés" avec Catherine Baron

Coordonné par Catherine Baron (Lereps/Science po.), Arnaud Buchs (Lisst-DR/Université Toulouse 2 Jean Jaurès), Thomas Debril (Agir/Inra) et Alexandre Gaudin (Agir/Inra)

1er atelier : « Gouverner la pénurie en eau »
9h00 à 12h00, lundi 11 juillet 2016

Centre Inra Toulouse
24 Chemin de Borde Rouge, 31326 Castanet-Tolosan, Bâtiment SDAR, salle 131
Accès : Metro Ligne B arrêt "Ramonville" + Bus 62 arrêt "Inra"

Pour toute information : alexandregaudin@yahoo.fr

9h00 - La political ecology de la pénurie en eau et des technologies d’atténuation en Palestine Stephen P. Gasteyer (Associate Professor, Department of Sociology, Michigan State University)
Les chercheurs, plus particulièrement les analystes des politiques de développement, les bailleurs et les militants ont produit nombre d’articles et de rapports publics sur l’inégalité de l’accès à l’eau et à l’assainissement en Israël et en Palestine, ainsi que sur les conflits qu’elle engendre. Cependant peu a été écrit sur les effets de cette inégalité sur les communautés et les foyers palestiniens. Or certains politiciens et ingénieurs s’emparent de cette thématique pour promouvoir de nouvelles technologies visant à soulager les palestiniens de cette pénurie. Mobilisant une approche political ecology, cette présentation portera sur les imaginaires socio-techniques qui ont produit les conditions de ces situations de rareté de l’eau en Palestine, et sur leurs conséquences sur les ménages et les communautés palestiniens. La présentation discutera ensuite du rôle potentiel et réel des eaux usées recyclées et des « nouvelles » sociotechnologies de dessalement d’eau de mer dans la lutte contre les pénuries chroniques d’eau en Cisjordanie et à Gaza. Nous montrerons alors que l’infrastructure socio-politique, géographique et physique qui régule l’accès à l’eau complique considérablement la possibilité pour ces technologies de constituer des solutions contre la pénurie en eau, en particulier dans un contexte d’extension des colonies israéliennes. Cependant, grâce à une meilleure analyse de ces « political ecological assemblages », nous décrirons comment et à quel niveau ces technologies peuvent jouer un rôle au moins partiel dans l’amélioration des conditions d’accès à l’eau.

10h30 - Gouverner la pénurie en eau par la modélisation hydroécologique. Le cas de la réforme des volumes prélevables dans le sud-est de la France. Alexandre Gaudin (Post-doctorat, UMR AGIR, Inra)
Quel est le rôle des sciences dans le gouvernement des ressources en eau ? Dans la littérature de la political ecology, cette question a donné lieu à plusieurs travaux insistant sur la manière dont les savoirs modernes ont construit pour l’eau une catégorie abstraite, univoque et naturelle, tout en réorganisant l’accès à la ressource et en participant à l’extension de l’exercice du pouvoir étatique.
Cependant cette littérature interroge peu les nouvelles expertises sur l’eau qui correspondent désormais à l’esprit d’une « société du risque ». En France, à côté de l’État, les Agences de l’eau s’inquiètent d’une recrudescence des situations de pénurie en eau et de ses conséquences environnementales. Mais elles prennent également acte des critiques adressées à l’expertise dominante des aménageurs en raison de son caractère sectoriel et aménagiste et de sa dépendance à des intérêts économiques et politiques. Elles développent alors avec les différentes parties prenantes une expertise à finalité politique sur la pénurie en eau combinant des éléments de diverses sciences (modélisations hydraulique et hydro-écologique) et de langue ordinaire qui puisse fournir une convention utile et reconnue pour la préservation des milieux et la coexistence des différents usages. Pour la mettre en œuvre, elles s’appuient sur des bureaux d’études privés gages de plus d’indépendance. Pour que cette expertise pèse dans la gestion de l’eau, les Agences établissent des instruments de gestion, les Débits Objectifs d’Étiage, qui doivent commander différents modes d’action publique. Ce tournant dans le gouvernement de la pénurie en eau nous invite donc à renseigner des hybridations de sciences et de politiques et des modes d’interaction complexes entre divers types d’acteur public et privé.
Pour ce faire, nous reviendrons sur les controverses qui ont émaillé la constitution de ce type d’expertise dans le sud-est de la France dans le cadre de la réforme des volumes prélevables. Par-delà le constat classique du caractère négocié de la frontière entre science et politique, cette étude de cas montre comment la constitution d’une telle expertise est le lieu de confrontation entre différentes façons de penser l’articulation entre science et politique. Elle permet également de souligner que cette production de l’expertise ne consiste pas seulement en la création d’une distinction entre décideur, expert et profane, mais à la constitution d’une pluralité de figures d’experts-médiateurs en tension aux rôles socio-politiques déterminants.