Tribune. La confusion entre croissance et développement est très ancienne. Pour preuve le célèbre petit livre de Walt Rostow (1916-2003), Les Etapes de la croissance économique (1961), dans lequel l’illustre économiste américain ultralibéral explique que tous les pays devraient suivre les mêmes étapes aboutissant, pour finir, à la consommation de masse. Commettant une erreur analogue, les économistes marxistes ont pu estimer que tous les pays se développant devraient aboutir au… communisme.
Rares sont donc les économistes qui ont distingué croissance et développement et qui ont compris, réfutant les schémas linéaires, que chaque société empruntait des voies spécifiques et originales pour produire son avenir.
Un PIB identique
S’inspirant à la fois de François Perroux (1903-1987) et d’Amartya Sen, Prix Nobel d’économie (1998), l’économiste français René Passet a raison de s’interroger dans les termes suivants : « Une croissance qui s’accompagne de la dégradation des milieux naturels (et de la détérioration des conditions de la vie humaine) peut-elle être qualifiée de développement ? » Et de considérer que le développement doit « respecter les mécanismes régulateurs des sphères humaine et naturelle dans lesquelles il s’accomplit » (René Passet, La Bioéconomie de la dernière chance, Les Liens qui libèrent, 2012).
La notion de développement renvoie dos à dos ceux pour lesquels sans croissance il n’est point de salut pour assurer le pouvoir d’achat, l’emploi et le remboursement des dettes de l’Etat… et ceux qui estiment, au contraire, que la croissance est incompatible avec la survie d’une planète confrontée à la déraison de l’activité des hommes. Un dialogue impossible d’autant que les uns comme les autres disposent de solides arguments pour faire valoir leur point de vue.
Que nous suggère la notion de développement ? Que l’on peut se développer sans croître. Le produit intérieur brut (PIB) d’une nation peut augmenter par la qualité des services offerts, mais aussi si la valeur – et donc le prix des biens industriels – augmente…, ce qui est le cas des biens durables.
Une machine à laver le linge durable sera produite en moindre quantité, parce que durable. Il y a fort à parier cependant que sa valeur étant plus élevée, son prix le sera également. Ne pas produire davantage de machines à laver le linge mais produire des machines plus durables, et donc plus chères, aboutirait à un PIB identique.
Concilier l’inconciliable
Mais ce PIB en valeur serait plus désirable que celui obtenu avec une production en volume plus forte mais destinée à ne pas durer. A la fois parce que réaliser une production plus importante suppose un prélèvement plus élevé sur la nature et parce que le fait de jeter au bout de qautre à cinq ans son lave-linge implique une externalité négative : une pollution considérable ou un coût important de recyclage.
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